Hier, la journée a mal commencé.. Enfin, pas mal , mais.... Au réveil j'ai eu comme l'intuition que ma journée allait être à "chier", si je puis me permettre d'être grossière; non pas que ça me plaise, d'être grossière, mais il est parfois difficile d'employer autre chose que les mots appropriés. Une journée de merde, donc, et ce dès le réveil. Une saveur particulière envahit ma bouche au moment où je vais prononcer mon 'bonjour' quotidien.
Le réveil a sonné cinq fois déjà. J'ai la tête dans le cul, et le cul à sa place ( c'est déjà ça!).
Après une douce nuit d'amour je devais être radieuse, enjouée, détendue, non?!!
Pardon, encore un gros mot, mais fait chier!! J'en ai par dessus la tête de ces locutions "il faut", " y' a qu'à!", "on devrait".Je me sens comme je me sens, et tant pis si ça déplait.
Vous l'aurez compris, je suis d'humeur chafouine, c'est comme ça qu'on dit , je crois. J'en ai conscience, alors je mets déjà à penser 'comment faire pour que ça ne dure pas toute la journée' et surtout 'pourvu qu'il ne le sente pas trop'. 'Il', c'est mon mec, vous l'aurez compris. Un ange, une douceur. Mais ce matin, il a porté un coup fatal à mon humeur m'assénant un :
-"Ben alors, t'es pas d' bonne humeur aujourd'hui!"
'Ouais, c'est ça', pense-je, sans répondre.
Visiblement, il est guilleret, de bonne humeur quoi, le truc super énervant quand ON est de mauvais poil: rien de plus rageant qu'un amoureux ravi quand on se sent furie. Il descend se faire un petit dèj', et moi je reste sous la couette, à me demander comment faire pour me sortir de cet état. Je regarde le plafond, mais je n'y vois rien d'autre que les vaches fluoressentes, avatars d'étoiles... Elles me sourient ...Je me lève lentement et glisse jusque sous la douche. J'y reste un bon quart d'heure, en fille très loin de ces précepts écolos ( oui, j'ai laissé l'eau couler, inutilement...mais là , il y avait urgence..urgence de se détendre pour ne pas imploser).
Je me sens presque prête à descendre, mais pas tout à fait. Je me mets au piano, essayant de retrouver l'air de la veille.
Ca fait déjà une demie-heure que je me suis levée, ma bonne humeur semble avoir repris ses droits, je me crois libérée du joug de la chafouine en moi... et patatras..
-" Tu sais, j'ai un super bouquin que tu devrais lire. Ca te ferait du bien. Il y a quelques exercices de respiration. Tu devrais faire ça au réveil, c'est bon contre la mauvaise humeur!!"
Mon mec est adorable, mais là il vient sans le savoir de déclencher une 'ire' qui va me poursuivre toute la journée; et lui aussi le pauvre.
Le 'pauvre' ce n'est pas du tout condescendant, ni montant d'ailleurs, c'est sincère.
J'en ai plus qu'assez des conseils, je l'ai déjà dit, je sais mais je le redis. Ca me prend la tête que tout le monde me donne son avis sur la manière dont je dois me comporter sous prétexte qu'on m'aime..Bon, vous me direz, mon mec c'est pas 'tout le monde', mais là je le mets dans le tas. 'Y a des jours comme ça.
Je ne suis pas censée toujours être serviable, aimable, disponible, souriante, avenante et tout le toutim: je réclame mon droit d'être chiante, caractérielle, de mauvaise humeur, ou triste.
Je suis comme tout le monde, multiple.
Je suis comme tout le monde, je m'accroche à la vie.
Je suis comme tout le monde, parfois je ris, parfois j'ai mal..
Je suis comme tout le monde, parfois brillante, souvent très sotte, et j'en ris......
Nous voici face à face, chacun buvant son café. La complicité de la veille a laissé la place au doute, et au malaise. On ne sait plus comment se parler. J'ai la gorge serrée. J'ai envie de lui dire que ça va passer, que ça va aller et puis mon orgueil m'en empêche ( "il doit bien le deviner, non!!" me dis-je tout bas).
La journée se passe, comme je l'avais préssenti : ni bien ni mal, juste une gêne qui ne me quitte pas. Elle me colle comme une deuxième peau. J'ai mal au ventre.. La lune me jouerait-elle encore un de ces tours mensuels?? Même pas.
Je pense alors au concert que je dois voir ce soir; j'en oublie mon humeur, ma fureur, mon orgueil meurtri, tout ça est ballayé: je vais écouter 'Naturalibus', en concert.
Je me fais une petite beauté. Un peu de fond de teint, un peu de blush, une touche de gloss, et je suis prête! Ah,le XXIème siècle et ses femmes modernes qui veulent se faire une 'beauté' sans que ça se voie, mais pour que ça se voit. Comment 'paraître' naturellement jolie c'est tout un art qui n'est pas tout à fait compatible avec la rapidité. Bref tout ça pour dire qu'il m'a fallu quand même 45 minutes pour cette petite mise en 'lumière'.
Direction le métro. Exit les regards haineux, les gens qui se cognent, grognent ou empestent.....Je ne pense qu'à mon concert de ce soir: 'Naturalibus', un homme et une femme en état de nudité, ça donne envie non!??
La salle est petite, et comble. Les murs sont tapissés de lourds velours rouges. Les verres se cognent, se vident. Des humains s'esclaffent et fument en attendant les artistes.
Un homme, Guillaume. Une femme, Hélène. Leur relation? On ne sais pas vraiment, et est-ce vraiment important!! Ces deux-là s'aiment, un point c'est tout. Mais les gens ont toujours besoin de 'raisons', d''explication', de sous-titres. Moi, je m'en fous. Je vois des amis, des amants, des confidents, des voisins. Une histoire, des histoires, nos histoires: rencontre, découverte, rupture, passion, amour unilatéral.. La vie quoi! Enfin, j'y vois ce que je veux, et surtout ce que je sens. Et ce que j'ai ressenti c'est de la tendresse, du respect, de l'auto-dérision ( malheureusement trop rares ces derniers temps) le tout servi par des chansons justes, simples efficaces; des musiciens talentueux et surtout, qui jouent "ensemble".
Je sors de ce concert émue, ravie...Rêveuse, même. Je suis sur un petit nuage. En plus j'ai acheté le cd, que les musiciens m'ont dédicacé avec le sourire.
Je sautille dans la rue. Je me sens légère. Je me dis "quand je vais rentrer, c'est un gros câlin que je vais donner à mon Loulou" - oui c'est comme ça que j' l'appelle dès fois".
J'ai hâte de rentrer. Comme beaucoup de parisiens le samedi soir à 2h du mat', j'attends un taxi. A peine 10 minutes... Chouette me direz-vous... Ben, non!! Je suis rentrée à 3h!!
Oui une heure à pouvoir non pas 'trouver' un taxi, mais 'trouver un taxi qui m'accepte'. Trois taxis ont refusé de me prendre. Le premier, s'est arrêté au croisement où j'étais parce qu'il y avait un feu. Quand j'ai voulu entrer dans son véhicule, il a condamné les portières.
D'un coup ma légèreté a disparu. La réalité m'est retombée dessus. Le câlin, ça sera pas pour tout de suite!!
Je m'avance vers la portière avant droite, et le chauffeur peine à descendre la vitre: "Non, non, j'ai fini mon service... Non, non".
Non quoi?! Je n'ai même pas eu le temps de lui dire où j'allais.
Le feu passe au rouge, il démarre, pour s'arrêter un peu plus loin dans la rue du Faubourg Saint-Antoine. Un couple y monte.
106esp92.
Glups.
Le goût bizarre de ce matin, dans la bouche, il revient!!
Je ne sais pas pourquoi, mais je sens que ma soirée n'est pas finie.
Je suis toujours au même endroit, vingt minutes plus tard, rue du Faubourg Saint-Antoine au croisement avec l'avenue Ledru-Rollin.
J'ai froid aux mains.
Un deuxième taxi libre arrive. Et là, même topo. Portière bloquée, vitre qui peine à descendre. Un détail change: celui-là me demande où je vais. "A St-ouen" dis-je candidement.
-"Ah, non, je ne vais pas là-bas!!"
-" Mais j'ai de quoi vous payer, regardez j'ai 30 euros"
Je lui montre mes billets, mais il s'en contrefiche...Le feu passe au vert, il démarre en trombes.
9015xr94.
Re-glups.
"La sincérité pour ruse suprême" me disait mon grand-père. Toujours dire la vérité, oui mais il faut s'adapter.. Et moi je n'étais pas prête. J'aurais pu mentir, dire euh...je sais pas moi, porte de clignancourt...Eh, non. Je dis la vérité. Quelle idiote!
Un troisième taxi. Celui là ne s'arrêtera même pas. Je ne note pas son numéro, trop dégoûtée. J'ai une envie de pleurer qui monte d'un coup. Mais pleurer pourquoi, pour qui.. Je m'en veux de me laisser atteindre par les malades de cette société. J'ai failli penser: "c'est parce que je suis noire, qu'ils m'ont refusée".. Et puis non. Je ne veux pas faire le jeu de tous les cons qui voudraient que me rallier à leur pensées stériles et dangereuses. Je ne veux pas me recroqueviller, ni accepter ce qui est une réalité. Cette réalité , je n'en veux pas, elle ne m'aura pas. Le comunautarisme n'aura pas raison de mon ouverture d'esprit.
Les larmes se bousculent derrière mes yeux. Ma gorge est nouée, mes mains glacées, mon coeur serré, mon téléphone déchargé.
Ca fait 45 minutes que j'attends.
Je suis détendue maintenant. Le ressentiment et la rancoeur ont laissé la place à la colère.
Mais je NE VEUX PAS être en colère.
Bande de cons, rendez-moi ma bulle d'air, rendez-moi mon sourire.
Tout ce que m'a donné le concert a été éclipsé par quelques abrutis.
Je ne me laisserai pas faire.
Je hèle un taxi qui s'arrête, sans me poser de question.
Je lui indique le chemin. Nous ne parlons pas, jusqu'à ce que je me rende compte qu'il m'as prise pour une idiote: il passe par le boulevard Magenta, embouteillé même à 3h du mat!!
Si, si, j' vous assure.
Je lui redonne Mon itinéraire, rue du Faubourg Saint-Denis, porte de la Chapelle, les maréchaux, porte de Clignancourt... Il fait la gueule; visiblement il pensait se faire un bon pactole en me coinçant dans les embouts.
Je rentre épuisée, cernée, triste, dépitée.
J'ai envie de dire à mon chéri à quel point le concert était génial, que j'aimerais que ce groupe joue à l' Olympia à guichets fermés; que tous nos potes devraient acheter le disque.... Et que nenni. Je n'ai plus que le souvenirs de ces taxis qui ont gâché ma fin de soirée.
Je me démaquille avec peine. J'ai la flême de me brosser les dents, ben oui ça arrive.
Je me couche péniblement et n'arrive pas tout à fait à me détendre malgé les calins de l'homme que j'aime.
Nous sommes le lendemain.
J'ai froid, j'ai peur, j'me sens seule. J'en ai marre de la ville.
De ces gens qui ne savent plus se parler, se toucher , vivre ensemble, communiquer, ne pas juger.
J 'vais me recoucher pour oublier.
Tomorrow is another day.
Enfin.....
J'espère.....